ARAGNOUET

Une station de sports d’hiver se met au vert pour exister à chaque saison

Les stations de ski vont-elles mourir ? Le réchauffement climatique menace l’économie de ces territoires qui misent depuis plus de 60 ans sur quelques mois de l’année où « l’or blanc » attire près de 10 millions de visiteurs. Pour anticiper des saisons hivernales plus difficiles, la station de Piau-Engaly dans la commune d’Aragnouet (Hautes-Pyrénées) se transforme intégralement pour que « ça marche » tout au long de l’année.

  • Le maire Jean Mouniq porte depuis plusieurs années un ambitieux plan de transformation de la plus haute station du département (2600 mètres) dessinée dans les années 1970 par Jean-Marc Vialle
  • Avec 40 millions d’euros d’investissement, « cette petite ville au sommet » fait tout pour que les touristes viennent durant les 12 mois de l’année. Et ça marche !

Construire 350.000 lits dans les montagnes françaises. C’était l’objectif des « plans neiges » imaginés dans les années 1960 par un État pour le moins « aménageur ». Six décennies plus tard, les stations attirent 10 millions de visiteurs par an, génèrent 120.000 emplois et 10 milliards d’euros de retombées économiques rapporte Skidata.io. Pourtant, depuis quelques années, c’est le coup de chaud sur les stations : le nombre de lits froids augmente, les périodes d’enneigement raccourcissent et l’avenir de la filière ski se remplit d’incertitudes. Environ 110 stations sur les 250 seraient menacées par le changement climatique avec une « réduction du manteau hivernal neigeux de 25% dans les massifs les plus élevés des Pyrénées » d’après Bernard Francou et Marie-Antoinette Mélières, auteurs de Coup de chaud sur les montagnes, publié aux éditions Guérin en 2021. L’hiver dernier, 50% des pistes étaient fermées la deuxième semaine des vacances de Noël, l’une des plus prisées par les skieurs.

Se transformer plutôt que renoncer

Pour se faire une idée de la situation et découvrir les « trucs qui marchent » pour une station de ski, nous sommes allés à la rencontre du maire d’Aragnouet et président de la SEML Piau-Aragnouet… tout au sommet. Mi-avril, l’accès à la station encore tout enneigée est bien difficile. C’est Pierre, le fils du maire, qui nous y conduit (la veille nous sommes restés bloqués dans le col d’Aspin). Les derniers skieurs de la saison viennent de partir pour laisser la station complètement vide.

L’architecture de la station interpelle. Quatre bâtiments circulaires monumentaux et semi-enterrés épousent parfaitement le dénivelé de la montagne pour donner une impression totalement futuriste. « On a l’un des plus forts enneigement des Pyrénées mais nous ne sommes pas pour autant à l’abris des conséquences du réchauffement climatique » assure Jean Mouniq. Pas question d’abandonner néanmoins. Cette ville perchée à plus de 2.000 mètres d’altitude fait vivre plus d’un millier de saisonniers et rayonne sur les vallées alentours qui ont besoin des stations pour vivre. C’est pourquoi Jean Mouniq a entamé il y a quelques années un vaste chantier de requalification pour en faire « une station quatre saisons et un modèle de transition touristique. »

L’idée est assez simple : en faisant vivre la station sur 12 mois, Piau-Engaly pourrait maintenir les saisonniers sur une période beaucoup plus longue voire résidentialiser une partie d’entre eux pour renforcer l’attractivité des commerces et créer de nouveaux services. Cet été, une grande partie des socio-professionnels sont restés ouverts. Ce sont d’ailleurs deux des enjeux majeurs du projet Natura Piau doté d’une enveloppe de 40 millions d’euros financé par la SEML Piau-Aragnouet, l’Agence Régionale Aménagement Construction Occitanie, les propriétaires des commerces et plusieurs financeurs publics.

Recréer une station sur la station

L’architecte en charge du projet n’est autre que Jean-Michel Wilmotte qui avait « survolé la station en hélicoptère et qui en était tombé amoureux » raconte le maire. Construite dans les années 1970, certains bâtiments sont vieillissants et ne répondent plus aux standards de confort ni aux exigences de performance énergétique. Les travaux de rénovation sont réalisés progressivement et de nouvelles offres d’hébergement se créées (auberge de jeunesse, appart’hôtel de standing…) ce qui contribue à attirer des publics plus divers quelle que soit la saison.

Alors dans ces transformations, qu’est-ce qui marche déjà ? Premièrement, l’idée de départ qui consiste à dire qu’une station de sport d’hiver… a tout pour vivre aussi au printemps, en été ou à l’automne. Les raisons d’y croire sont nombreuses : les Français aspirent à plus de calme et de nature et les canicules estivales les poussent à chercher le frais comme le soulignait cet article de 20 Minutes cet été. Qui plus est, les sports outdoor ont de plus en plus la cote et la station mise sur le développement de nouvelles activités avec des pistes VTT sur les pistes de ski, l’organisation de courses à pied, la création de tyroliennes, la construction de piscines couvertes…

Autre truc qui marche, si cette ville n’a rien d’ordinaire du fait de sa géographie, elle est tout de même un modèle de ville piétonne avec un cœur commerçant rénové complètement piéton et accessible, végétalisé. Son architecture dense et ses bâtiments circulaires permettent d’offrir à chaque appartement des vues imprenables sur la nature tout en accueillant près de 10.000 personnes en pleine capacité. À Piau, ça glisse sur les pistes en hiver et ça marche en montagne en toute saison.

Par Raphaël

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