« Le bien-manger des Toulousains, c’est le bien-vivre des producteurs d’Occitanie »
À Toulouse, les cantines se fournissent majoritairement avec des produits régionaux... la technique du "bien-manger".
LAÀS
"Notre truc qui marche, c’est de créer des frontières pour mieux les ouvrir" ! Bienvenue dans la Principauté de Laàs, commune auto-proclamée en plein coeur du Béarn... Derrière la blague se cache un projet sérieux et qui fait ses preuves.
Laàs est un petit village de 140 habitants qui se situe entre Biarritz et Pau, au cœur des Pyrénées-Atlantiques, en Béarn. Le village s’est bâti sur l’économie prospère des tailleurs de pierre et des potiers. Son atout majeur est son château, niché dans un parc remarquable et qui abrite une collection art déco de qualité. Si le maire de la commune, Jacques Pedehontaa, se bat depuis 40 ans pour lutter contre la désertification des campagnes, il a opté depuis 2011 pour une méthode pour le peu originale…
En 2011 démarre le projet de réforme des collectivités territoriales voulu par le Président de la République, Nicolas Sarkozy (qui sera mis en œuvre avec la loi NOTRe sous le quinquennat du Président Hollande). Cette loi confie de nouvelles compétences aux régions et redéfinit les compétences attribuées à chaque collectivité territoriale. « Se regrouper ? Mais pour quoi faire ? Et avec quels moyens ? Le village de Laàs ne se reconnaissait pas dans ce découpage qui dépossède les petits villages de toute liberté d’expression ou de créativité, puisque la force de frappe économique se polarise en milieu urbain. Cela instaurait une hiérarchie territoriale qui détruit la proximité entre les citoyens et leurs élus et orchestre un grand hold-up identitaire. » nous confie Jacques Pedehontaa qui, à l’époque, a cherché tous les moyens de faire entendre son mécontentement.
Le maire de Laàs écrit à Nicolas Sarkozy pour lui exprimer son inquiétude et son désaccord : « Je lui écris que le local est un moteur démocratique, un atout pour l’aménagement du territoire ». Pour donner une chance supplémentaire à ce courrier d’être lu, Jacques Pedehontaa n’hésite pas à se montrer un brin provocateur. Il conclut son courrier ainsi : « Monsieur le Président, si nous ne partagez pas mon opinion, donnez-nous une chance. Henri IV a fait de Laàs une baronnie, acceptez que nous devenions une Principauté ! Vous en seriez le co-prince et je serai votre représentant ! Ainsi, nous allons pouvoir tester une alternative, tester un autre modèle ».
Ce courrier, par chance pour Laàs, a été rendu public lors d’une conférence organisée en août 2011. L’impact médiatique qui s’en suivra sera considérable pour cette petite commune, mettant au grand jour cette idée folle proposée au Président Sarkozy par ce maire atypique.
Fort de ce buzz, le Conseil municipal de Laàs réfléchit jusqu’en 2014 à cette idée surréaliste de Principauté. « Et si, finalement, nous transformions pour de vrai notre village en Principauté ? » continue Jacques Pedehontaa. Réflexion, réunions, rencontres, les élus étudient d’autres initiatives de micro-nations sur la planète (République du Saugeais de France, de Seborga en Italie, Hutt-River en Australie…). Un schéma de développement est écrit dans le cadre d’un mémoire réalisé par une étudiante en Master Tourisme à Paris.
Le 1er janvier 2015, le préfet de Pau rattache Laàs à la Communauté de communes du Béarn des Gaves. « Sonne alors une révolte pacifique, souriante et singulière : c’est l’auto-proclamation de la Principauté de Laàs ! Pour réagir, nous créons une association du même nom, qui permettra de développer un certain nombre de projets qui donnent corps à notre concept. Installation de cabanes et barrières douanières à l’entrée et à la sortie du village, drapeau, blason, passeport, Constitution, devise… tout a été fait pour entrer en résistance ! » sourit le maire du village.
Depuis, la Principauté de Laàs continue son chemin. Grâce à cette action médiatique, l’offre touristique de la commune s’est étoffée et les chiffres sont bons ! Le château de Laàs est par exemple passé en 5 ans de 10 000 à 52 000 visiteurs et emploie désormais une vingtaine de personnes (permanents et saisonniers). « Nous y avons développé un parcours des énigmes, 2 escape games, des cabanes dans les arbres… Nous venons aussi d’inaugurer « La Fourmi rouge », une salle de spectacle cabaret réalisée dans une chapelle romane désacralisée du XIème siècle, restaurée grâce à 2 300 jeunes filles Guides de France. À l’été 2023 a ouvert le Palais de la Principauté : une boutique souvenir qui vend des objets manufacturés Principauté de Laàs. Actuellement se termine un parcours d’interprétation qui va raconter l’histoire du village de l’an 1 000 à aujourd’hui. Il sera installé dans l’actuelle église St-Barthélemy au centre du village et comptera le 1er « escape church ». Nous travaillons aussi à l’installation d’un boulanger pâtissier dans le village. »
Derrière ce coup médiatique de génie se cache une véritable stratégie d’attractivité de tout un territoire. « On augmente les points d’intérêts et la capacité d’accueil dans la commune pour devenir une destination touristique à part entière. On encourage la création d’emplois avec ces nouveaux projets, limitant ainsi l’exode rural. On se fédère autour de nos ressources : culture, agriculture, artisanat. » se réjouit Jacques Pedehontaa, avant de reprendre : « Quand on a commencé, beaucoup nous ont collé un nez rouge. Vous l’aurez compris, on a flirté avec la transgression pour reprendre en main notre destin. Mais loin de nous l’idée d’un repli séparatiste… Notre « truc qui marche », c’est de créer des frontières pour mieux les ouvrir ! »
Longue vie à la Principauté de Laàs !
Par Théo
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